Samedi, plein de courses, préparation du bateau, installation de la nouvelle girouette (l'ancienne a cassé certainement sous le poids d'un goéland obèse), et nous voilà parties avec l'envie d'avaler des milles et de ne pas s'arrêter de naviguer avant plusieurs jours !
Lever de soleil en mer... |
Avec le jour la thermique de nuit s'essouffle, le vent d'ouest se relève doucement et le courant renverse, on se rapproche de l'île de Wight. Il fait beau mais la première nuit a été fatigante et on tente de se reposer. Mais le vent se relève dans l'après-midi, nous obligeant à
de nouvelles manœuvres. On re-devient vite championnes des prises de ris et changement de voile d'avant. Avec la thermique le vent atteint un bon 5b, le courant forcit au large de l'île de Wight, dans une mer hachée et parfois bouillonnante de "marmites" (tourbillons de courants), nous fonçons à 8 nœuds sur le fond.
Deuxième nuit, même scénario de vent qui tombe. Mais nous commençons à être amarinées et nous profitons d'avantage de ces lents bords sous les étoiles. Nestor nous appuie tout de même pour finir la nuit... il va bien merci! Au lever du jour, nous sommes dans la grande baie de Weymouth, à l'abri des courants, en route lentement mais sûrement vers ce port. Il fait beau, la mer est plate, matinée agréable...
Weymouth, que l'on atteint le lundi 4 à midi après 40h de nav au près, est une jolie petite ville balnéaire anglaise. On y découvre ses maisons colorées, sa plage bondée au sable particulièrement fin, et ses quais noirs de monde s'adonnant au sport local: la pèche au crabe ! Il suffit de tremper dans l'eau un petit sac en toile plein de restes de poisson, et les crabes pincent à l’appât. C'est très populaire...
Phare de Portland Bill |
C'est chose faite, nous sommes en plein dans le peloton et passons au ras du phare à 6h le mardi matin. Le vent a tourné un peu plus sud et nous pouvons faire (quasiment) cap direct sur Dartmouth. On ne s'en plaint pas comme la baie de Lyme, longue de 40 milles, n'a que peu d’intérêt. Il fait beau entre les grains, on fonce, c'est parfait !
Arrivée à Dartmouth dans l'après-midi. Et soudainement quelque chose nous frappe: c'est joli ici ! Fini les falaises de craie et les rivages urbanisés de l'est de l'Angleterre! La ria de Dartmouth s'enfonce entre des collines verdoyantes, l'entrée entre deux châteaux médiévaux nous mène au cœur d'une mignonne petite ville aux maisons multicolores. Bienvenue en Cornouailles ! En plus les dauphins nous font un festival à l'arrivée...
On ressort notre annexe pour aller à terre, elle qui dormait au fond de son coffre depuis le retour du grand voyage. On commence à vraiment se sentir bien à bord... La ballade à terre est chouette malgré une pluie insistante. Après quelques maisons médiévales on se réfugie dans le premier pub venu: très bon choix les plats de poisson sont un délice !!! Et finalement on rentre à bord juste avant qu'il ne se mette à vraiment pleuvoir, que demander de plus :o)
Départ aux aurores comme nous avons toujours le courant favorable en matinée, il fait un temps parfait, 3-4b grand soleil, comme on n'ose pas l'imaginer. On passe Start Point, puis un long bord nous amène à la River Yealm. Ca c'est la bonne inspiration de Laure qui a trouvé cet abri par hasard en feuilletant un guide nautique la veille. L'entrée est sinueuse, nécessite un peu de pilotage, suivre deux alignements pour éviter la barre de sable qui ferme la rivière, puis derrière la pointe le plan d'eau s'élargit et abrite de nombreux bateaux au mouillage. C'est magnifique, après un petit tour on prend un coffre sous les arbres.
Il fait beau, presque chaud, et si on se baignait du bateau ? Le courant est fort et on laisse traîner un bout et un pare-batte derrière le bateau pour se rattraper au cas où. Mais elle est bonne en plus !!! Vérification de la coque, jeu dans le courant sur le bout, quelques plongeons pour Laure, puis lavage à l'eau de mer et rinçage au pulvérisateur... on est bien... Le soir on remonte les bras les moins profonds de la rivière en annexe, c'est superbe. Vraiment l'escale parfaite...
Jeudi, le vent est toujours calme, annoncé du Nord. Alors il faut vous dire qu'il y a quelques années (enfin 8 très exactement...) au cours d'un weekend-découverte en voiture, nous avions visité un petit village coincé dans la roche, Polperro, qui nous avait beaucoup plu, mais nous semblait déjà à l'époque très difficile d'accès à la voile. Aujourd'hui les conditions (vent de terre faible) semblent être là, alors on tente le coup.
L'entrée est encore plus microscopique que dans nos souvenirs. On a juste la place de faire demi-tour dans la faille de rochers, mais on y est ! Nous sommes seuls pour l'instant et prenons un des 4 coffres, à notre avis le seul où on n'évite ni sur les cailloux ni au milieu du "chenal". Un peu stressées mais pas peu fières! On profite de notre écrin entre les rochers, aux portes de ce petit village de pêcheurs inaccessible, puis on monte dans l'annexe pour aller à terre, consciente de notre statut de privilégiées.
Quel choc lorsqu'on arrive à terre... Et oui l'homme a inventé la route pour rejoindre les villages isolés, puis il a inventé les touristes et enfin les autocars... Ca grouille de monde partout, et même si on reconnait le petit village de nos souvenirs, on est un peu en décalage avec l'humanité (bon certes, c'est pas nouveau...) Un peu agressées, et Camille un peu stressée par la thermique qui forcit et menace de s'engouffrer dans l'"abri", nous retournons à bord et déguerpissons. Quelques autres bateaux avaient tentés de nous rejoindre, un seul avait osé rester, son équipage nous double en annexe et part encore plus vite que nous !
Mais on l'a quand même fait et nous sommes heureuses de rejoindre pour la nuit la (laaarge) rivière de Fowey. Surtout qu'une magnifique goélette nous croise sur la route. Le soir ballade en ville, puis visite du Yacht Club local pour faire un point météo: l'ancien cyclone Bertha a décidé de venir nous chatouiller et il va falloir trouver un bon abri dans quelques jours.
Pour l'heure c'est calme... Vendredi nous voulions aller dans la Helford river, mais il n'y a pas un souffle. Nestor joue du piston et nous nous déroutons sur Mévagissey à quelques milles de là. Mevagissey est un autre "port de poche" de la Cornouailles, mais après Polperro ça nous semble très large ! On s'embosse le temps de quelques heures à terre, entre baignade et déjeuner de la spécialité locale, les Cornish Pasties !
Toujours pas de vent, on décide de retourner sur Fowey non sans sortir un peu le spi de sa chaussette. Et oui après tout, on retourne vers l'Est, au portant ! Fini le près ! Le spi tient bien dans une légère brise, on fait route vers la rivière, on avance, dans la rivière, sous spi... on doit être beau vu des falaises... Allez il va falloir songer à s'arrêter, on affale, puis on prend notre coffre à la voile, c'est tout de même plus élégant ! Ballade sur les collines environnantes le soir pour se dégourdir les jambes.
Ah bah si elle a quand même sauté dans l'eau... |
Direction la marina de Plymouth pour y passer le coup de vent, et découvrir la ville de Drake et de Nelson. Certes défigurée par les bombardements allemands, elle est relativement agréable avec quelques maisons moyenâgeuses conservées, une superbe esplanade avec vue sur la baie, et beaucoup de bars et restaus sympas. Et on en profite pour dormir, dormir, dormir sans réveil pour la marée...
Nous restons coincées 2 jours par le coup de vent, profitant le lendemain d'un bus pour la région de la river Yealm pour une très chouette ballade en bord de côte.
Mardi le vent est sensé mollir, le courant favorable est toujours le matin, réveil à 4h et départ au petit jour dans finalement pas trop d'air mais encore pas mal de mer. Mais au portant ça va. On repasse devant Salcombe, puis Dartmouth où le vent fraîchit beaucoup dépassant certainement les 30 nœuds un moment. On continue un peu inquiètes de ce qu'on va trouver derrière Berry Head, la prochaine pointe. On croise des marsouins au passage. Heureusement la "Tor Bay" est mieux abritée et on rejoint Brixham.
Alors Brixham c'est très joli, mais pour nous c'est surtout l'escale où on a galéré avec l'amarrage... D'abord sur un coffre, puis il nous faut bouger sur une très mauvaise place à couple au vent dans de très fortes rafales, on plie (un peu) un chandelier dans la bagarre avant de fuir ce piège et finir à couple sous le vent d'un vieux gréement à l'équipage très sympathique. Entre toutes ces manœuvres on se ballade sur le port de pêche, assez authentique, et qui possède une réplique taille réelle du bateau sur lequel Drake a effectué son mythique tour du monde. Entre nous, c'est un sabot !!! Incroyable qu'il ait passé le Horn contre le vent avec ça...
Mais pas le temps de contempler, quelques heures de sommeil et départ à minuit (après 12h d'escale) pour rejoindre
Nous retraversons la baie de Lyme, cette fois complètement au portant, d'abord voiles en ciseaux puis génois tangonné seul. Le courant est contraire mais faible dans la baie et nous avançons bien. Nous sommes au large du Portland Bill à la renverse, et là le rythme s'accélère. Il y a 114 de coeff et le courant est impressionnant. Nous filons plus de 10 noeuds sur le fond... Du coup on progresse vite et atteignons la baie de Swanage juste à la renverse suivante. Ca souffle fort et on est contentes de trouver des coffres dans cette anse stratégiquement positionnée au sud du bazar de la baie de Poole dans laquelle nous n'avons pas, mais absolument pas du tout envie d'aller!
On se repose toute la nuit, dans l'ombre du Tenacious, un grand 3-mâts anglais venu lui aussi mouiller là, et que nous avions vu à Bergen quelques semaines plus tôt.
Jeudi, en route pour le Solent ! Nous entrons par le mythique chenal des Needles, l'entrée est très agitée par le courant avec ces forts coefficients. Le tapis roulant du Solent nous amène à Cowes la mythique dans un vent fraîchissant franchement en bord de grain. A notre grande surprise, les marinas ne sont pas chères du tout, on s'attendait à une débauche de luxe et bien pas du tout. Faut dire que le cadre ne s'y prête guère: qu'est ce que c'est moche !!!
Avant d'explorer la Mecque de la voile, direction East-Cowes par le ferry à chaînes pour visiter la demeure d'Osborne. Ce château et son immense terrain fut la résidence d'été de la reine Victoria, et également l'endroit où elle mourût. La visite est intéressante, nous en apprend beaucoup sur la famille royale anglaise et les modes de l'époque. La ballade dans le parc et la plage privée est humide mais sympa.
Retour en ville, pour un tour un peu décevant. Certes tout tourne autour de la voile, on trouve tout l'équipement dont on rêve voire plus (quelqu'un m'explique l'intérêt
du short de ciré ??), certes on croise des yachts clubs prestigieux, des canons de départ de régate, et la boutique de Beken of Cowes, mais il n'y a que peu d'ambiance, pas de beau bateau de course ou de vieux gréement, et finalement on va se coucher bien vite.
Vendredi, départ avec le courant (pourquoi s'en priver !) pour sortir du Solent par l'Est, slaloms entre les tankers et les régatiers. Quelques milles derrière, virage serré à gauche, passage sur la barre de sable (ça va il y avait assez d'eau) et nous entrons dans les méandres de la baie de Chichester. C'est un plan d'eau fermé auquel on n'accède que par un étroit goulet et sa barre donc, composé de plusieurs rivières qui s'étalent dans un terrain très plat. Oui il y a en effet un côté qui nous rappelle furieusement les eaux intérieures de Hollande. Naviguer à la voile (élégance quand tu nous tiens...) dans ces chenaux est très agréable et paisible.... si ce n'étaient les centaines (voire milliers) de dériveurs qui s'égayent partout !!! A priori on n'a pas retrouvé de moustique écrasé sur notre étrave, mais c'était serré! On remonte jusqu'à Bosham, joli petit village historique (enfin derrière les voiles fluos), puis on retourne mouiller plus près de l'entrée au bord d'une plage. On mouille à la voile car tel est le thème de la journée, puis on tarde à descendre à terre, entre le courant qui forcit jusqu'à un bon 4 nœuds et un gros grain qui nous tombe dessus. On débarque finalement au crépuscule, l'heure où les coques sortent de leur cachette pour prendre le frais, il n'y a même pas besoin de creuser, ça se ramasse comme des bigorneaux! Parfait on ne savait pas quoi manger ce soir... En rentrant à bord on réalise qu'on est bien trop près du banc de vase et on remouille rapidement au moteur en eaux plus profondes, comme quoi l'élégance à ses limites...
Samedi, il est temps de faire route sur Newhaven... Le temps se dégrade et le vent doit monter rapidement dans la journée jusqu'à atteindre 7-8 beaufort en début de nuit. Départ donc à 6h30, pour une journée qui nous verra exploiter tout à tour toutes nos techniques de voile au portant ! On commence la journée sous spi, jusque vers midi, puis le vent forcit et on tangonne le génois voiles en ciseaux, puis on détangonne pour filer au grand largue comme le vent forcit en tournant, puis on prend un ris, puis on affale la GV, puis on prend quelques tours d'enrouleur juste avant l'auloffée finale dans le chenal de Newhaven. Une chouette nav, et un timing parfait, à peine 2 heures après être amarrés ça commence à souffler vraiment sérieusement et on se réjouit de notre optimisation.
Une croisière vraiment excellente où nous avons complètement retrouvé notre rythme de vie de Saltimbanques. Laure a même fait du pain ! On repartirait bien, cap à l'ouest....
Et voilà toute la route ! Pour plus de photos cliquez ICI.